27 novembre 2009

Mon oncle Zéphyrin ébéniste…
Dans notre civilisation le travail du bois était considéré comme un art noble ; parce qu’on se souvenait, peut-être, que le créateur avait planté deux arbres sur notre terre, celui de la vie et celui de la connaissance et que le sauveur de l’humanité avait exercé le métier d’artisan charpentier.
Mais l’on savait depuis des temps immémoriaux que l’arbre était le symbole le plus parlant de l’homme. Les pieds sur la terre, la tête tournée vers le ciel, une sève vivante coulant dans son tronc et dans ses membres.
De l’arbre on fait le berceau de l’enfant, la table du repas, le lit du repos et le cercueil du mort. De l’arbre on fait encore, le sceptre du puissant, le bâton du marcheur, le toit de la maison, la barque du pêcheur, l’araire du laboureur. Avec l’arbre, enfin, on plante une potence pour le supplicié ou une croix pour le rédempteur.
L’arbre est notre frère naturel, son bois notre compagnon de route.

Tonton aimait le bois. Malgré ses doigts mutilés, il continuait à caresser la pièce qu’il venait d’affiner pour mieux sentir et rectifier l’imperfection cachée aux yeux du profane mais qui aurait ridé son honneur d’artisan. Manger tous les jours sur une table fabriquée par son grand père, ranger ses affaires dans une commode façonnée par son oncle est un véritable privilège.

Il est parti, porté et entouré de l’affection des siens. Dimanche, il a reçu l’onction et nous avons invoqué avec lui l’Esprit du Christ pour qu’il vienne habiter sa dernière épreuve de sa présence apaisante.
Ce soir, c’est la foule des parents, des amis reconnaissants et des frères chrétiens qui est là. Nous le confions à la lumière du Christ et à sa miséricorde.

Homélie Luc 17,20-25
Chaque époque produit un ou autre scénario de la fin du monde. Les rédacteurs des évangiles avaient été frappés par les récits anciens du déluge, par la ruine de Sodome et Gomorrhe, ou par la chute récente du temple de Jérusalem et ils superposaient ces évènements les uns sur les autres pour mieux décrire l’ébranlement final des derniers jours.
L’homme depuis qu’il existe veut savoir le mot de la fin : la fin du monde mais aussi celle de son existence.

En plein 20ème siècle, au moment où fleurissaient des idéologies qui prédisaient un avenir euphorique de l’humanité, des philosophes lucides ou désespérés (comme on veut) disaient déjà : « A quoi bon vivre, si c’est pour que tout finisse dans la déflagration finale comme tout avait commencé dans l’explosion initiale. A quoi bon vivre, travailler, manger, avoir des enfants et des projets, si tout cela doit se volatiliser dans quelques grains de poussière ou une poignée de cendres !

Aujourd’hui, la crise aidant, on revient aux vieilles méthodes du passé. On se sert des images de l’effondrement des tours de Manhattan, pour produire des films qui nous annoncent une apocalypse de plus, dans 1000jours en 2012. Et la quête anxieuse de l’homme n’en finit pas…

Dans ce contexte de peurs commercialement bien orchestré, le message de Jésus détone. D’abord il ne nous parle pas de la fin du monde sans l’associer au Règne de Dieu. Ensuite, Il nous dit : Ne craignez pas. Ce royaume vous y êtes déjà, vous y vivez déjà, dans la mesure où tout ce que vous faites, vous le faites selon le désir de Dieu, sous l’influence de son Esprit Saint. Ainsi vous vivez, déjà, une première résurrection qui donne un sens différent à tout ce que vous vivez au point que la mort elle-même n’est pas pour vous une fin mais une nouvelle naissance. Et puis viendra la deuxième résurrection, celle où le tout le cosmos naîtra lui aussi au règne de Dieu.

Tant qu’il a pu Tonton Zéphirin s’est nourri de l’Eucharistie en participant avec régularité à la messe du dimanche ; cette régularité qui était la sienne dans son travail. Il participe maintenant à l’Eucharistie éternelle et totale du Seigneur. Pour la représenter, la Bible emploie l’image d’un grand festin qui rassemblera autour de la table du ciel tous les peuples de la terre. J’imagine bien, Tonton, examinant soigneusement cette table sous tous ses angles et interpellant Saint Joseph pour améliorer son esthétique ou sa solidité…
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.